Ennio Morricone ou la tentation de la musique absolue
La musique absolue ! L’expression émanait du Maestro qui prenait un vrai plaisir à l’évoquer lorsque les entretiens avec les journalistes ou autres, prenaient une tournure qui lui était agréable. Il désignait par-là la possibilité pour le compositeur de s’adonner à l’écriture musicale sans contrainte autres que celles qu’il se fixait lui-même. Bien sûr, Morricone intégrait à sa définition les attentes du public pour un genre donné. Celles-ci différent selon qu’il s’agisse par exemple d’une musique de chambre ou d’un concerto. Mis à part ce qu’il nommait par « conditionnement », le musicien restait libre de sa partition et pouvait profiter de l’immensité du champ de composition. Et pour reprendre une définition de Jean-Paul Sartre, « la liberté est ce petit mouvement qui fait qu‘on ne restitue pas la totalité de son conditionnement ». De fait, le créateur de musique dispose-t-il de la faculté d’exister réellement dans son écriture « absolue », d’exprimer son « moi » et faire preuve sinon de génie, au moins d’inventivité pour repousser les limites du genre dans lequel il inscrit sa création (ou bien le réinventer). C’est dire enfin si nous sommes confrontés à un exercice qui se distingue totalement de la création musicale pour le compte d’autrui et notamment pour le cinéma. « Une séparation stricte que conteste Stéphane Lerouge, spécialiste de la musique à l'image : la musique a toujours été écrite sur commande. Ce n'est pas parce qu'on écrit une musique sur commande qu'elle est inférieure, ou "pas absolue" »[1]. Le Maestro ne pouvait en effet pas l’ignorer : bon nombre de grandes partitions classiques, telle la messe de requiem en ré mineur de Mozart, existèrent parce qu’une commande arriva. Et celle-ci, entrainait forcément toute une série de contraintes à respecter afin que la partition livrée corresponde aux désirs du donneur d’ordre. [1] France Culture « Ennio Morricone : Caio Maestro » diffusé le 7 juillet 2020.