09 - Comment lire ? - La contre-société des lecteurs

William MarxLittératures comparéesCollège de FranceAnnée 2023-202409 - Comment lire ? La contre-société des lecteursRésuméToute théorie de l'interprétation doit partir de l'expérience naïve et empirique : ce que le critique américain Michael Warner appelle uncritical reading, la lecture non critique et non professionnelle du lecteur standard. Il faut partir de l'attachement aux livres, qui justifie qu'on aie envie de lire. L'étude de la littérature a ceci en effet de particulier qu'elle se fonde sur un plaisir sensible.Or, les plaisirs et les intérêts de la lecture sont multiples et hétérogènes. Ils vont dans tous les sens. Dans le régime moderne de la littérature, l'autonomie de la lecture fait de celle-ci une occupation fondamentalement solitaire et asociale. Chacun y suit son bon plaisir. Pascal Quignard parle d'une « "société inassociée" des lecteurs ».La force d'individuation de la lecture est telle qu'elle est capable de provoquer une dissociation à l'intérieur de la personne, l'épreuve de cette dissociation étant la relecture : le texte lu dans l'enfance provoque à l'âge adulte des émotions et des jugements différents. Montaigne et Proust témoignent, chacun à sa manière, de l'incommensurabilité entre la valeur d'un texte et le plaisir qu'il donne. En tant qu'expérience du sensible, le livre se fait le révélateur de la pluralité des moi et du passage du temps.

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La littérature est un fait universel, d'extension mondiale et d'envergure transhistorique, quoique sous des modalités extrêmement diverses : l'étude de ses variations est l'objet de cette chaire, dans la lignée des enseignements de littérature comparée apparus en Europe et en Amérique dès le XIXe siècle. Lecture de textes de toutes origines et de tout statut, analyses littéraires et indispensables mises en contexte sont mises au service de ce voyage immobile et du dépaysement qui l'accompagne. L'exercice de l'admiration n'y est pas non plus interdit.L'objectif est d'entrouvrir la porte de la bibliothèque mondiale et d'en parcourir quelques rayonnages afin de faire de nous des lecteurs sans limite, capables de lire par-delà la littérature, en nous dégageant de notre propre historicité, selon un processus de défamiliarisation. Car c'est en réalité la notion même de littérature qui fait problème, avec tout ce qu'elle implique de présupposés et d'usages historiquement datés et géographiquement localisés : en gros, l'Europe des deux derniers siècles. C'est pourquoi l'intitulé de la chaire a été mis au pluriel, et il y est proposé l'étude non pas de la, mais des littératures, dont il convient de postuler d'abord la diversité, non seulement linguistique, mais culturelle et anthropologique.Les recherches de la chaire Littératures comparées portent ainsi sur l'évolution, dans la longue durée, des systèmes esthétiques et du statut de la littérature depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours ainsi que sur leur variation selon les cultures, avec des travaux portant entre autres sur la tragédie grecque, le nô japonais et les littératures asiatiques, l'humanisme médiéval et renaissant, les Lumières, les arts classiques et romantiques, le modernisme européen et la littérature contemporaine. La critique génétique et l'édition de manuscrits sont aussi mises à contribution, avec des travaux notamment sur Paul Valéry et T. S. Eliot.